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mardi 22 novembre 2011

La vie politique en RDC / De Joseph Kasa-Vubu à Joseph Kabila : la saga «pouvoir-opposition»

(Le Potentiel 22/11/2011)

«Qu’avez-vous fait des 50 ans ?» -Question unique soulevée par l’hebdomadaire Jeune Afrique pour marquer les 50 ans des indépendances africaines. Interrogation toujours d’actualité au moment où les Congolais s’apprêtent à aller aux urnes.

Les élections et législatives en République démocratique du Congo sont fixées au 28 novembre 2011. Juste une année après avoir établi le bilan de ses 50 ans d’accession, du Congo-Belge, à l’indépendance. Exactement cinq ans après les premières élections démocratiques de 2006 au Congo-Kinshasa.
Les Congolais iront donc aux urnes le 28 novembre 2011. Pour des élections couplées, c’est-à-dire, présidentielle et législatives. Ce qui leur permettra de renouveler le tissu politique dans cette perspective de donner un nouvel élan à la vie nationale.
Mais la République démocratique du Congo a 51 ans d’âge. Un âge qui lui collera toujours à la peau tant le passé fait aussi partie du présent. La RDC a ainsi parcouru un bon bout de chemin à telle enseigne que cette échéance électorale est un moment de plus pour jeter un regard rétrospectif sur le passé afin que demain soit bien qu’hier.
Une chose est vraie. De tous les temps, les faits politiques ont émaillé l’histoire de ce pays tant ils ont été riches en rebondissements. Elle se résume aujourd’hui en la saga «pouvoir-opposition». Une valse saccadée, de Joseph Kasa-Vubu, le premier président de la République démocratique du Congo, à Joseph Kabila Kabange, le président en exercice, en passant par Joseph-Désiré Mobutu et Laurent-Désiré Kabila. Les faits politiques, disons, les péripéties «pouvoir-opposition» ont toujours tenu la dragée haute.
Comme à chaque époque correspond un moment de l’histoire, la RDC n’a pas échappé aux effets de la Guerre froide et subit en ces moments les différentes mutations qu’impose le processus de démocratisation. Il est maintenant question de savoir si la RDC a tenu le coup ou si elle subira les événements.
Soulever cet aspect du problème, c’est parler de la bonne gouvernance. Or, de Joseph Kasa-Vubu à Joseph Kabila, la bonne gouvernance n’a jamais été le point fort des Congolais. Certes, le premier président de la République passe pour un homme intègre. Mais cette mauvaise gouvernance se caractérise, au plan politique, par le non respect des textes, le clientélisme, le tribalisme, le régionalisme, des fléaux dénoncés à maintes reprises. Au plan économique, navigation à vue : absence d’une vision économique au regard des théories classiques, médiocrité, manque d’expertise sous-tendus par la corruption, l’enrichissement sans mesure. D’autres fléaux qui creusent la tombe d’un Etat et d’une Nation en déperdition.
Dur apprentissage politique
Dès les premiers jours de la RDC à son accession à l’indépendance, le pouvoir et l’opposition devraient jouer, chacun, sa partition, pour que le Congo ne rate pas les rendez-vous de l’histoire. Hélas !
Le Congo a été confronté au dur exercice politique. Mal préparés politiquement, les Congolais ne maîtrisaient pas toutes les subtilités de la politique. C’est-à-dire, bonne interprétation des textes fondamentaux qui régissent tout Etat et les exigences de la gestion moderne d’un Etat. Plus tard, l’on attribuera cette insuffisance à une «culture politique» au rabais.
Ce qui pourrait bien se justifier dans la mesure où le conflit, le premier conflit politique, entre Joseph Kasa-Vubu et Patrice-Emery Lumumba, l’un président de la République, l’autre Premier ministre, découle bien de cette interprétation sélective des textes juridiques. Ce qui a conduit à la «méconnaissance de l’autorité établie» comme cause principale des crises politiques au Congo. Cette crise politique élastique, «Kasa-Vubu-Lumumba» n’en finit d’ailleurs toujours pas. Tenez.
Les coups d’Etat de Mobutu, en 1961 et 1965, les sécessions katangaise et sud-kasaïenne, la défenestration du Maréchal Mobutu en 1997, les guerres de libération… ne sont rien d’autre que des conséquences de cette «méconnaissance de l’autorité établie».
Depuis, pouvoir et opposition sont embarqués dans une farandole tonitruante, déstabilisatrice des institutions de la République. Les règles du jeu politique ne sont pas du tout respectées, les textes de loi élaborés sur mesure, faisant ainsi le lit de la dictature, du népotisme, de l’arbitraire, et par ces temps qui courent du non respect des droits de l’Homme, de la violence excessive, du pillage économique, avec comme corollaire l’aliénation des attributs de la souveraineté nationale : intégrité territoriale, monnaie nationale, dignité de l’homme congolais.
La politique a tenu la dragée haute dans la mesure où la cohabitation houleuse entre Kasa-Vubu et Lumumba a ouvert la voie à un cycle infernal d’interprétations sélectives des textes de loi. Des discussions politiques puériles soutenues par des négociations byzantines ont prêté le flanc à des rébellions et sécessions. Le pays a été tiraillé, fortement secoué que l’Etat tombait graduellement en déliquescence. Les règles du jeu d’une cohabitation n’ayant pas été respectées, le Congo était devenu ingouvernable. C’est dans ces conditions dramatiques que Mobutu prit le pouvoir.
Pendant 32 ans, il gouverna sans partage, sous un régime monopartite, favorisé par les temps forts de la guerre froide. Protégé par ses «amis» du bloc occidental au regard de la situation géostratégique de la RDC, en plus de ses minerais avec le cuivre, l’or et le diamant très prisés sur les marchés internationaux, la pyramide du pouvoir de Mobutu tenait à la fois à l’argent et au fusil. La vie politique ne se résumait qu’à une seule personne, aux enseignements et actions du Guide. Le pouvoir étant considéré une «chasse gardée», l’Opposition n’existait pas. Bâillonnée, muselée, elle a vécu dans la clandestinité la plus totale, étouffée chaque fois qu’elle tenait à élever la voix.
Mais l’histoire étant dynamique, la pérestroïka et la glasnost ont eu raison des princes, des maréchaux et des roitelets. L’ère du multipartisme, de la démocratisation venait de sonner. Elle se poursuit jusqu’à ce jour et les élections 2011 en RDC obéiront à cette logique. Faute de quoi, elles ne seront pas crédibles. Le vote sera dénaturé, le verdict faussé, l’avenir du pays hypothéqué. A moins d’un sursaut d’orgueil le 28 novembre 2011.
En attendant, la RDC est soumise à des pressions internationales. Elle est au centre des convoitises régionales et internationales. D’où ces agressions, ce pillage à grande échelle de ses richesses.
Evidemment, la politique nationale ne peut qu’en souffrir. Les guerres de libération, la multitude des groupes armés tant nationaux qu’étrangers ont influé sur la gestion politique du pays. L’espoir qu’avait suscité la tenue du Dialogue inter congolais a eu des effets d’entraînement négatifs sur la qualité de la classe politique congolaise. Au nom de la réconciliation nationale, de la paix, la gouvernance a été balbutiante. L’excellence a été sacrifiée sur l’autel de la médiocrité et les fléaux d’hier ont refait surface avec une virulence sans précédent, poussant le pays vers une pente dangereuse. Tous les efforts de redressement sont chaque fois dilués comme dans un ban de sable face à la résistance au changement.
Certes, la RDC a atteint le point d’achèvement bénéficiant ainsi de l’effacement de sa dette. En plus, le rétablissement du cadre macroéconomique a été réussi. Mais face à l’impunité et à la corruption devenues une gangrène, au manque de volonté politique pour décider des réformes courageuses, aucun effet d’entraînement positif sur le vécu quotidien du citoyen congolais. La population vit dans une incertitude sociale permanente et dans des conditions infrahumaines. Pire, la RDC est menacée de balkanisation, un complot international subtil et nébuleux.
La longue marche de l’Opposition
S’il faut restituer les choses dans leur contexte, l’Opposition date des années 1960. Juste après l’éviction de Lumumba, suivie de son assassinat. Face à la guerre hégémonique entre l’Est et l’Ouest, les «nationalistes» étaient des «pestiférés», parce que considérés comme des «communistes, des socialistes ». Pourchassés, ils devraient se résoudre à entrer dans la clandestinité ou s’exiler. Pendant deux décennies, cette opposition-là avait difficile à s’exprimer, si ce n’est que par la voie des armes en recourant à des actions que l’on qualifie aujourd’hui de terroristes : plasticages, rébellions armées, sabotages….
Mais c’est en 1980, avec la lettre des 13 parlementaires, sous l’égide de l’Union pour la démocratie et le progrès social, UDPS, que l’Opposition congolaise a repris du poil de la bête. Et depuis, rien ne l’arrête dans ses ambitions d’accéder au pouvoir.
Certes, rusé, Mobutu a tenté, mais en vain, de l’aliéner. L’on a assisté à de véritables jeux de cache-cache, du chat et de la souris, pour donner des coups de boutoir au pouvoir. Il a fallu attendre le discours de La Baule et la tenue de la Conférence nationale souveraine pour que le dictateur jette l’éponge et élargisse l’espace politique congolais, de façon définitive.
Laurent-Désiré Kabila, qui a tenté de rééditer la mauvaise manœuvre en interdisant aux partis politiques d’exister, a été pris de court par les événements de l’histoire. Les CPP (Comités du pouvoir populaire), véritables copies-collées des partis–Etats, n’ont été que l’ombre d’eux-mêmes. Aussi, le Dialogue inter congolais n’a fait que consacrer le multipartisme et mis sur les rails le processus irréversible de la démocratisation.
Nonobstant tous ces hauts faits politiques, l’Opposition politique congolaise n’a pas encore accédé au pouvoir. Cela pour plusieurs raisons. Elle n’est pas encore structurée. Elle a tendance à devenir statique alors qu’elle doit viser la prise du pouvoir par des moyens démocratiques. Elle est composée le plus souvent des leaders des partis politiques malléables à souhait, opportunistes et sans conviction politique. Elle ne se définit jusqu’ici qu’à travers l’UDPS et son lider charismatique, Etienne Tshisekedi. Bien que nommé quatre fois Premier ministre à l’époque de Mobutu, nonobstant son élection à la Conférence nationale souveraine, Etienne Tshisekedi n’a jamais exercé pleinement les pouvoirs d’un Premier ministre.
Enfin, l’Opposition a toujours manqué de «leadership » fort, de stratège pour traduire ses aspirations. Certes, l’on s’attendait à ce que Lumumba, chassé du pouvoir, incarnât en ces temps-là une vraie opposition. Le destin politique en a décidé autrement avec son assassinat en 1961.
Tshisekedi a eu plusieurs opportunités pour provoquer de l’alternance politique. Mais comme il l’a reconnu lui-même, il a commis beaucoup d’erreurs. Notamment cette concentration de la gestion de l’Opposition entre ses mains, son absence de tolérance et de dialogue, sa vision politique étriquée d’une opposition qui ne se limitait qu’à déposer Mobutu, manquant ainsi des stratégies politiques pour placer ses actions dans la durée du temps. En plus, cette fois, à moins d’un miracle, l’Opposition se présente en ordre dispersé et a jusque-là difficile à disposer d’un «candidat consensuel».
Faut-il vraiment croire que l’heure a sonné pour l’Opposition ? Difficile à dire pour le moment. Seules les élections 2011, organisées dans la transparence, peuvent répondre à cette interrogation.
Mais il n’empêche de relever que le moment est déterminant. Trois éventualités sanctionneront ces élections : un président avec sa majorité parlementaire, un président sans majorité parlementaire, un gouvernement d’union nationale. Dans les deux premiers cas, l’Opposition pourrait bien jouer sa carte. Soit remporter la présidentielle, soit disposer de la majorité parlementaire. L’Opposition ne s’imposera pas dans la troisième hypothèse du gouvernement d’union nationale.
Comme pour dire que la valse entre le pouvoir et l’opposition se poursuit. Toujours sous ce rythme saccadé de la répression des manifestations publiques, la violence, la violation des droits de l’Homme….
Pour que la RDC sorte de l’ornière, s’engage résolument dans la voie de la vraie reconstruction nationale, d’un développement durable pour ne pas rater les rendez-vous de l’histoire, il n’y a qu’à faire sien cet adage, datant du IVème siècle, d’Isocrate : «Ce ne sont pas par les décrets mais par les mœurs que les cités sont bien gérées». C’est tout dire.
Par Freddy Monsa Iyaka Duku


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